Une ruelle, sombre et bien mal fréquentée, il pleut. En l’immense ville de Liberia, la misère et la débauche, la violence et la peine courent les rues. Malgré sa grande richesse, cette cité n’échappe pas aux inégalités sociales... Et si les riches sont bien à l’abri, protégés et confinés entre eux, dans quelques demeures bien gardées de la vue comme des intrus, les autres n’ont droit qu’à de petites bicoques ou quelques pavés. Il fait nuit, et contrairement à d’autres rues de la cité aux milles visages, celle ci est bondée. Les alcooliques, drogués et mendiants tapissent la rue comme ses propres dalles. La puanteur et la saleté sont les tapis qui recouvrent ce haut lieu de la pitié humaine.
Rosala est une femme dont la beauté n’égale que la pauvreté, en effet, c’est une prostituée. Issue d’une famille bien rude et sans le sou, elle sert de gagne pain à sa veuve de mère et ses deux frères en bas âge. Elle n’a que 20 ans et cela fait déjà quelques petites années qu’elle est dans le métier. Elle est bien réputée, et c’est souvent vers elle que les clients affluent. Cette nuit encore, on fait presque la queue pour aller s’ébattre avec elle. Comme toujours, la crème de la société n’est pas de ce jeu, elle vise plus haut, dans de luxueuses maisons... Tandis que les malfrats et autres coupe gorges viennent se rassasier ici. La rue se nomme rue du Temps, et il a bien passé depuis que Rosala en est. Malgré son succès, ce fond de commerce ne nourrit pas son homme, en l’occurrence sa famille. Rue du Temps, c’est chez elle, elle s’y plait. Sa timidité et sa gentillesse n’en fait pas une des chef de file, et bien souvent ses compagnes la battent, jalouse. Ce soir, la nuit se passera comme tous les autres, et beaucoup payeront pour s’essayer à la jeune femme aux cheveux de feu. Son argent bien en poche, caché en ses vêtements, une fois le tapin effectué, elle s’en retourne, subir les foudres de sa mère, vile mégère sans volonté ni avenir. Mais voilà, ce soit le Destin a eu son mot à dire, et il semble penser que sa vie n’est pas méritée, et que l’heure du repos est déjà venue. Elle marchait, la rue du Temps semblait aussi longue que cette énigme dont elle porte le nom, et pour en sortir, il fallait plusieurs minutes, si lentes à s’écouler... Une main sur sa bouche, on la tire dans un coin. L’homme a le souffle d’un tonneau de bière, elle le reconnaît. Plus tôt elle l’avait envoyé paître, il n’avait pas de quoi payer... Et avec l’humour qui caractérise les marauds et autre larrons, il lui annonce que c’est elle qui va payer pour lui. Rosala est plutôt faible, elle pleure, elle tente de se débattre et de crier, mais cette maudite main sur sa bouche l’en empêchera, et elle vivra l’enfer. Non pas qu’elle ne soit pas habituée, mais pas ainsi...Elle a peur, son regard cherche celui des passants qui se gaussent de sa souffrance ou baisse la tête tristement. Pas un n’appellera la garde, pas un n’offrira sa main pour la libérer de cette torture... Et curieusement cette nuit là, la Lune offrit la fécondité à la jeune femme. Ce que d’habitude on qualifie de miracle s’appellerait crime en ce cas présent. Rosala est laissée là par le voyou, qui en aura profité pour lui soutirer son argent. Elle rentre, péniblement, les gens la regardent, dédaigneux ou inflexibles. Une fois chez elle, les cris habituels se font jour en même temps que celui ci se lève. Mais aujourd’hui il n’y prête attention, elle ne racontera pas ce qui est arrivé dans la rue du Temps. Mais elle y retournera, continuer, jusqu’au jour où la grossesse l’en empêchera... Elle ne le voulait pas, mais elle aime quand même cet enfant qu’elle sent en elle. Plus personne pour gagner le pain, les 2 jeunes frères de Rosala meurt bien vite de faim, sa mère s’accaparant toute la nourriture. Le bébé accouchera malgré tout, mais Rosala n’aura pas le temps de l’admirer, elle succombe peu après et la son horrible mère, abandonne le bébé loin en Liberia, vers le quartier des artistes : Le Square des Voyageurs. On ne sait comment la vie de la vieille femme se poursuivit mais peu importe à toute personne de raison saine.
Le nouveau-né ne resta pas longtemps seul, ses cheveux d’ébène et ses yeux en agate attire bien vite une jeune fille. Elle se prénomme Gwenaëlle et son amour se partagera à l’avenir entre ce beau bébé, et son mari Tristan. Elle l’éleva comme son propre fils, avec toute l’affection que peut fournir une mère. Ils le nomment Gadjo, qui signifie étranger en gitan. Ils sont tous deux forains et appartiennent à une troupe d’artistes itinérants où se mêlent troubadours, jongleurs, hommes forts, dresseurs et que sais je...
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