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Portrait
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Mon
histoire
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Un
demi-visage se détache de la pénombre à la lueur
d’une frêle bougie de cire de guêpe, dont la flamme
scintillante s’aperçoit à peine dans un coin de la
taverne de Stonecrest. Tour à tour naît du sombre une
main tenant un gobelet de bière ou la brillance d’une
courte lame. Un homme se délecte du nectar sans un
bruit, comme écoutant le râle des gens autour de lui.
Ses yeux parcourent la pièce de long en large, épiant,
scrutant les manants ivres et rougeauds, les femmes de
joie vendre leur corps pour un tas de pièces rouillées,
les aventuriers s’esclaffer en racontant comment ils
ont détroussé des mendiants dans le sous-bois.
Le gobelet claqué sur la table de bois noir,
l’homme porte à sa bouche son gantelet de cuir usé
pour en essuyer la mousse. Il dépose nonchalamment une
poignée de pièces d’or sur le comptoir avant de
rabattre sa cape pourpre sur son épaule. Un dernier
regard sur la foule et il quitte l’établissement.
Dehors les rayons du soleil le gênent, ses yeux se
plissent sous l’agression de lumière, son pas est
pressé, il baisse la tête.
Une vieille dame un peu bossue passe péniblement
non loin de la taverne, supportée par une cane de bois
robuste.
Elle ajuste ses lorgnettes et contemple le panneau des
annonces:
Vend charrue remplis de sachets d'écorce de
saule cent pièces d'or.
Vend piles de bois d'arbres démoniaques dix pièces
d'or l'unité.
...
Ses yeux fatigués se détournent du cadre de
bois…
Syr?..Syr... Syr !
-Que fait-il dans la contrée? ! Je le croyais disparu.
Pauvre garçon, il doit encore ruminer ses vieux démons.
Qui l'eut cru qu'il vivrait encore...
La vieille dame éreintée, s'assoie sur une bûche
de frêne pour reprendre son souffle et se souvient :
-Pourquoi diable ses parents ne l'ont-ils pas laissé épouser
cette jeune paysanne... Tout aurait-été plus simple !
La noblesse a toujours le dernier mot de toute façon.
Ils n'auraient jamais du payer des mercenaires pour
conduire la douce enfant hors du pays... Le pauvre Syr
ne s'en est jamais remis. C'est pour cette raison qu'il
les a égorgé... quelle nuit tragique.
J'espère que la prison l'aura changé quelque peu, il
n'était pas un mauvais garçon...
La vieille dame parvient à se relever et entreprend
sa marche en soupirant :
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Syr
de Melyn |
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Enregistré
le 06 Avril 2002
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-Enfin...
Syr, qui l’avait remarqué, suit du regard la vieille
dame évoluer timidement vers son chemin quotidien. D'un bond
agile, il parvient à se dresser face à l'ancêtre bossu.
- Ainsi, tu n'as pas quitté la région, vieille bique...
j'aurais cru que tu croupirais six pieds sous terre.
-Syr! Mon garçon, quel plaisir de te revoir...
-...Tais-toi vieille souche, je me moque de ton plaisir. A qui
as-tu raconté mon histoire encore, langue de vipère ?!
- Mais enfin, Syr, à personne, pourquoi évoquerais-je cette
horrible tragédie?!
- Rah! Arrête donc de larmoyer ainsi, viens par-là !
Brutalement, Syr agrippe par le bras la vieille dame et la
conduit derrière un buisson et la force à se mettre à
genoux en mettant un violent coup de pied sans sa cane.
- Maintenant ferme les yeux, je ne veux pas voir ton visage
blafard me hanter une fois ta gorge tranchée.
- Mais...mais pourquoi veux-tu me trancher la gorge?!
- Je ne veux pas que ce maudit village soit au courant de mon
passé. Avec toi encore en vie la garde aura des soupçons
envers moi et je ne pourrais pas être .
Une dague tordue, brandie au bout d'un bras sûr et
robuste, s'apprête à pourfendre le crâne malheureux de la
Dame âgée...
-Bien, Syr, fais ce qu'il te plaira, de toute manière j'ai
suffisamment vécu pour laisser ma place à d'autres et si je
peux apaiser ne serait-ce qu'un moment ta hargne et ta haine,
j'aurais au moins réussi cela.
La vieille Dame ferme les yeux et prend une profonde
respiration tout en crispant sa main ridée sur une motte
d'herbe.
La seule chose qu'elle sentit c'est son corps tomber à la
renverse dans les broussailles et le craquement de ses os dura
la chute. Les yeux encore fermés elle pouvait entendre au
loin.
-Saleté de sentiment, je hais les remords! Diantre, malheur
à moi! Si je pouvais m'ôter le cœur...Grrr...J'irai éventrer
une biche pour la peine...
...Je ne comprends pas ce qui m'arrive, je n'arrive pas à
tuer ces mécréants sans éprouver des sentiments horribles!
Syr disparaît dans la nuit...
...alors qu'endormit au pied d'un arbre, Syr fut pris de
violents spasmes qui le firent virevolter à un mètre du sol.
Un voix caverneuse retentit dans le silence, comme venue de
nulle-part :
-Syr! Tu te trompes de colère, tu te trompes de sentiment. Je
connais ton passé et le mal qui te ronge.
Sache que la mort que tu donnes n'est pas une fatalité.
Regarde ces hommes fourbes et mesquins, et comprend que leur
avidité les mène tout droit à leur perte. Délivre-les de
leur prison et offre à leurs âmes l'asile qu'ils méritent.
Montre aux âmes égarées la porte qu'il faut emprunter,
frappe le médiocre! Montre lui mort de près et transcende le
pour qu'au jour du jugement il puisse se montrer digne.
Ainsi un jour, ce jour, l'Humanité sera sauvée et tu pourras
aimer à nouveau...
Un puissant flash illumina son rêve et ses yeux
s'ouvrirent devant une masse étrange et difforme qui lui asséna
un coup terrible.
Syr se réveille au temple de Stonecrest.
Etourdi, Il finit par quitter l’enceinte de cette ville
maudite après avoir écarté une mère de famille qui lui réclamait
de quoi nourrir ses enfants, après avoir observé deux jeunes
hommes dépouiller un marchant ambulant et partagé le temps
d’un regard, le dernier moment de vie d’un vieillard qui
s’éteint dans l’indifférence sur le paver.
Grommelant on ne sait trop quoi, il se dirige vers le nord,
sans se retourner
Tout le jour il marcha, évitant les pièges et les créatures
hostiles, armé de sa vielle besace remplie de potions et de
sa dague acérée.
Le soleil pointe à l’horizon, désormais très bas dans son
dos l’homme aperçoit les hautes et majestueuses palissades
d’Haruspicia. Sans un mot pour ses frères postés fièrement
aux portes de la ville, il se dirige vers le rivage. Un vent
doux vient frapper son visage et fait virevolter sa cape qui
claque dans son dos. Les bras en croix, les yeux fermés,
l’homme parle à l’océan…
-Ô, Juge ! J’ignore quel est l’être que j’ai rencontré,
mais il m’a ouvert les yeux. Accepte, moi profane disciple,
accepte moi comme un fidèle et entend mon amertume et ma
tristesse. Je vois la misère du peuple, ce peuple impie qui
court vers le chaos et sa destruction.
Ce monde s’effondre…ce monde s’effondre ! Puisse-tu Ô
grand Prophète, pardonner à mon âme impure, me montrer le
chemin et me donner la force de laver l’Humanité de tous
ses maux…
A genoux maintenant, Syr verse les dernières larmes de son
corps en pensant une dernière fois à la seule personne
qu’il ait aimé un jour…
Il s’endort paisiblement, sur l’herbe douce d’Haruspicia…il
a une quête à accomplir à présent.
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Extrait
du grimoire Gx
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Dernière
mise à jour 06/04/02
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