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Univers d'Althéa - Archive de la Bibliothèque Royal

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HIER SOIR, DE KAAZAR, BARDE ROYAL

  Le temps est vraiment un adversaire sans pitié ; il se joue de nos vies et de nos sentiments avec une cruelle froideur. Tout combat est vain contre lui, et toute bataille conduit à une affliction profonde qui plonge dans un sentiment de désarroi total. J'en ai pour preuve les moments insupportables durant lesquels j'attendais avec une impatience non dissimulée l'arrivée de mon soleil de passion, rose mystique de l'Eden paradisiaque, muse sublime de mes rêves, la douce et sensible Seya.
Les jours et les nuits se suivaient avec leur régularité mathématique sur Althéa alors que la tension qui m'habitait, elle, croissait de manière exponentielle. A chaque minute écoulée, je pensais me rapprocher d'un bonheur incommensurable : celui de la voir, de lui parler, de l'écouter, de boire ses paroles comme on boit un nectar subtil, de m'enthousiasmer pour les choses qui lui plaisent ou qu'elle n'aime point, de fondre comme neige au soleil à chacun de ses sourires, de me perdre dans l'immensité de ses yeux. Chaque instant, me disais-je, me rapproche d'elle et plus rien n'avait d'importance.

  Je savais qu'elle viendrait et rien d'autre ne comptait. Je demandais à tous ceux que je rencontrais : " L'avez vous vu ? Avez vous vu la lumière dans la nuit, la beauté faite femme ? " Mon ennemi implacable ne le voyait pas ainsi, et à mesure que mon impatience grandissait, tel un nécromancien maléfique, il sapait mes forces et me poussait vers Morphée. Alors la résignation commença à me gagner. " Ne la reverrais-je avant de m'éloigner ? " formulait mon esprit. " Peut-être ne peut-elle venir ? ". Cette joie de voir les jours s'écouler avec célérité se changeait en un " à quoi bon... " fataliste. J'étais au désespoir et même la jovialité légendaire de mes compagnons ne suffisait à me sortir du marasme qui m'habitait.

  C'est alors que tout à coup je sus : mon instinct, mes sens, mon cœur, me crièrent : " Elle est là ! ". Déchaînant les arcanes que je maîtrisais, j'ordonnais à l'espace de se plier et me rendais au temple, lieu de rencontres et de passages privilégiés. Mon cœur battait la chamade, mes jambes étaient en coton, et il me semblait que je n'arriverais jamais à articuler un sort cohérent. L'idée me vint que j'était comme un chiot revoyant son maître. Ha ! Quels moments bénis des dieux ! Hélas, ces moments furent de courtes durées car le travail d'usure de mon ennemi portait ses fruits : je sentais mes mouvements de moins en moins habiles, mes pensées de moins en moins claires. Cruel ennemi ! Ne pouvais-tu retenir tes attaques et nous laisser profiter de ces moments magiques ?

  C'est donc la mort dans l'âme que je laissais mon égérie, nous promettant mutuellement de nous revoir. Dans un élan de fougue, je lui volais un baiser et disparaissais dans la nuit...

  * Lumière dans la nuit, de Kaazar, barde et druide
Depuis quelques temps, les jours à SilverSky commençaient à être sans saveurs. Certes, beaucoup d'habitants étaient ravis de l'aide que je pouvais leur apporter, l'humeur générale détendue et courtoise mais quelque chose manquait, quelque chose d'indéfinissable. Cette absence rendait les découvertes et les succès mornes. Le voile gris qui petit à petit m'enveloppait l'esprit agissait comme le silence qui emplit la nuit et la rend si froide et si impersonnelle. Oui, une solitude oppressante me rongeait de l'intérieur.

  C'est alors qu'au hasard des détours dans les ruelles de la ville, mes sens furent attirés par un spectacle presque mystique : une inconnue venait d'apparaître dans un halo de lumière. Intrigué, je m'en approchait et fus soudain foudroyé par une vague de sentiments que je croyais disparus. Dans ses yeux encore affolés par le nouvel environnement, semblait se refléter l'océan en entier et je manquai de m'y noyer. Ses gestes étaient emplis d'une grâce si royale qu'ils transformaient les mouvements de toute autre personne en un chaos maladroit. Ce n'est qu'après un long moment de béatitude que je réussis à recouvrer l'usage de mon corps. Je m'approchai d'elle essayant de masquer avec maladresse le trouble de mon âme et me présentai.
J'essayai de ma voix de barde de trouver le ton qui la rassurerait, le ton qui lui ferait poser sur moi ses yeux dont l'intensité semblait percer les mystères les plus profonds de l'âme. Elle répondit à mes salutations et ma voix me sembla tout à coup rocailleuse et laide tant la mélodie qui emplissait l'air était subtile et féerique.

  La suite de cette journée reste gravée dans mon esprit comme le plus joyeux jour de ma vie ; je la guidai dans cette ville pour elle inconnue, lui faisant part de mes découvertes, de commentaires sur la qualité de tel ou tel marchand, des dangers du royaume à l'extérieur des murailles et chacun de ses sourires, chacune de ses paroles faisait bondir mon cœur de sa prison de chair. En plus d'une beauté proche du divin, elle était également femme d'esprit et il était extatique d'échanger avec elle des propos sur n'importe quel sujet tant ses répliques étaient drôles et fines.

  Quand arriva l'heure des adieux, je ne pu retenir une injure que je formulai mentalement à l'encontre de Titania le sage, sur son choix de faire des journées si courtes. C'est avec un déchirement intérieur que je formulai des adieux et la quittai. Mais en ce moment je savais... Je savais quel était le trouble qui accaparait mon esprit et j'étais heureux ... J'avais trouvé la lumière dans ma nuit. Kaazar, barde druide.
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Dernière mise à jour 06/02/02