L'HISTOIRE DE SEIGNEUR DU VAL, DE ARIZ NOVAK, CHARPENTIER
RETRAITÉ
Je me présente à toi, noble voyageur : Je suis
Ariz Novac et je fût autrefois au service d'un grand seigneur.
Un seigneur grand par le cœur et non par les richesses ou la
taille, comme c'est souvent le cas dans bien des pays.
Cet
homme vivait loin d'ici, sur des terres ignorées par le mal,
au creux d'un vallon à l'herbe tendre, boisé d'arbres
majestueux et odorants entre deux pics montagneux. Un endroit
où il faisait bon vivre, où les enfants passaient leur temps à
gambader dans les vastes paturages et à pêcher dans les cours
d'eaux poissonneux. En ce temps là, la misère n'existait pas
et le Val était dirigé avec clémence par le maître de ces
terres. Le Seigneur Val-Magus régnait sur ce coin de
paradis depuis un temps qui semblait immémorial. Prenant soin
des anciens et leur offrant l'abri de sa propre demeure
lorsque l'hiver pointait son museau derrière les montagnes,
gâtant les enfants de friandises, quand par hasard ils
croisaient sa route sur les sentiers du Val. Nul ne pouvait
espérer égaler la bonté de Val-Magus et seule sa sagesse
surpassait son charisme auprès des villageois. Ses richesses
se trouvaient dans son cœur et non dans sa bourse, le manoir
ancestral pliait sous le poids des saisons et sa toiture
menaçait de s'effondrer un peu plus chaque année. Mais
Val-Magus, se moquait des biens pour privilégier les pauvres,
les exonérant de taxes et allant même jusqu'à leur offrir sa
maigre bourse quand il l'avait sur lui.
Pourtant, une
année, les habitants du val se cotisèrent pour m'engager, moi
: Charpentier de mon état, pour refaire la toiture du manoir
de la famille du Val. C'est ainsi que je fis la connaissance
de cet homme bon par-dessus tous les hommes... Un homme que
j'eus le privilège de connaître et dont je vais vous narrer la
perte. Les routes du Val étaient alors ouvertes à
quiconque voulait les emprunter, Nobles en voyages, manants de
toutes sortes ou paisibles commerçants, tous pouvaient
traverser le territoire pour se rendre vers les grandes
steppes du Nord. Jusqu'au jour où ce fut une troupe de
saltimbanques qui se présenta au col escarpé qui donnait accès
au val.
Les comédiens firent escales au village avec
l'intention de donner représentation, la nouvelle se répandit
et tous les villageois accoururent pour assister à ce rare
spectacle. Le Seigneur Val-Magus se pressa comme tout le monde
et arriva juste à temps pour voir le divertissement. Mais
alors que les cris et les rires inondaient la foule de
badauds, les yeux du bon Seigneur dévoraient une jeune
comédienne dont la beauté et la splendeur n'avaient d'égale
que son talent. Il s'empressa de couvrir de louanges la belle
colombe aux yeux de biche sitôt la représentation terminée et
celle ci accepta une invitation à souper.
Val-Magus
semblait hypnotisé par la beauté farouche de la jeune femme et
succomba à ses filtres d'amour. Car, il ne fait aucun doute
mes bons amis que cette créature était une sorcière ! Elle se
prénommait Euclidia, et ne quitta plus le manoir familial
sitôt qu'elle y eut pénétrée. A cette époque je travaillais
toujours sur les poutrelles du toit et j'avoue avoir grincé
des dents en entendant la doucette sermonner son bon Seigneur
parce qu'il refusait de lever des taxes supplémentaires. Je ne
sais comment Val-Magus eu la force de résister aux cris et aux
plaintes incessantes de cette démone. Très rapidement,
Euclidia pris en main certaines affaires et ce fût le début
d'une lente agonie pour tout le Val. Elle n'hésita pas a faire
jeter dehors les pauvres métayers incapables de payer leurs
loyers et Val-Magus pendant ce temps s'efforçait de reloger
les mal lotis dans le dos de la harpie. Il l'aimait d'un amour
fou et torride et répugnait à se quereller avec elle pour des
histoires d'argent.
Néanmoins, un semblant de bon sens
semblait encore l'habiter car il refusait toujours d'épouser
la jeune femme, et de lui offrir le val sur un plateau. Un
dernier reste de lucidité que les filtre d'amours les plus
puissants ne parvinrent pas à briser. Alors, Euclidia employa
les grands moyens, elle fulminait d'un air calculateur et
n'hésita pas à se faire mettre enceinte pour lier Val-Magus au
mariage. Le pauvre hère, attrapant chaque jour de nouveaux
cheveux blancs vit en cet enfant à venir l'espoir de bonheur
qu'il n'avait jamais connut. Il attendit la naissance et
rassembla tout son courage. Bon nombre de rumeurs
circulait alors sur la famille de saltimbanques qui avait
établi demeure dans la contrée. Des animaux de fermes qu'on ne
revoyait jamais, des gens qui mourraient prestement et sans
signe de maladie et même des enfants qui disparaissaient
mystérieusement. Val-Magus n'épousa pas Euclidia. La jeune
femme donna naissance a un fils qui fût nommé Val-Oris et le
seigneur profita de la convalescence de la mère pour faire
enquête autour de la maison des saltimbanques. Ses découvertes
lui firent froid dans le dos, de nombreux petits ossements
humains furent retrouvés ainsi que bon nombre de signes
démoniaques tel que des lieux nocturnes de culte sataniques.
Sa colère grandit en même temps que son désespoir. Sa dulcinée
était donc une envoyée d'un quelconque démon, se demanda-t-il
? Brusquement, le bon seigneur retrouva toute sa raison et
contempla le décor l'environnant. Il n'y avais là plus grand
chose du Val. L'herbe dépérissait, les arbres mourraient et
l'air s'emplissait d'une odeur nauséabonde. Il rassembla une
petite troupe de villageois, rentra au manoir ou il mit son
fils en lieu sûr et chassa la mère. Euclidia, folle de rage
écumait véritablement, la mousse aux lèvres et le rouge aux
joues, elle proféra une malédiction sur ces terres et jura la
perte de Val-Magus. La jeune femme fut ramenée auprès des
siens, puis ils furent tous jetés sur la route conduisant aux
steppes.
La réparation du toit arrivait lentement a son
terme et les années avaient passées. L'expérience de cette
navrante rencontre semblait avoir vieilli le bon seigneur. Son
dos était maintenant courbé, sa chevelure devenu entièrement
blanche et ses yeux tristes regardaient parfois au loin, vers
la route où était partit son épouvantable dulcinée. Seule
l'apparition du petit Val-Oris parvenait encore à faire
étinceler un brin de joie dans le regard du vieux bonhomme.
Les racines ambiguës de l'enfant ne posaient pas de véritable
problème, tout le monde l'aimait comme le fils prodige de
cette terre et du haut de ses 10 ans, il connaissait déjà le
moindre recoin du val.
Il partait souvent seul pour de
longues promenades à travers les bois et revenait la tête
pleine d'histoires enchantées ou il avait croisé des Sylves et
des lutins. Les gens l'écoutaient d'un air sympathique en
acquiesçant avec amusement. Un air que l'ont prend d'ordinaire
pour écouter les affabulations d'un enfant rêveur... Peut être
n'aurions nous pas dû et prêter davantage d'oreille à ses
aventures. Car un beau jour, les terres du val furent envahies
par un funeste mal : une horde de loups noirs franchit le col
venant des steppes et se déversa comme une mer de goudron sur
l'étendu du territoire.
Des gardiens de moutons, sur les
pentes escarpées à l'opposé de l'invasion virent alors un bien
étrange spectacle. Des grands loups blancs, habitant les
montagnes surgissaient de toutes les aspérités et fonçaient
comme à l'appel silencieux d'un déclic en droite ligne vers le
cœur des terres. Ces loups étaient bien connus et se
comportaient habituellement comme de paisibles voisins à
l'égard des hommes et les gardiens de moutons ne comprirent
pas ce qui se passait. Les envahisseurs loups noirs
avaient visiblement un but. Ils dédaignèrent sur leurs
passages les fermes hébergeant des animaux domestique pour
courir vers le manoir. Les paysans effrayés sur leur passage
ne réalisèrent pas quel dramatique but avait alors les loups
et nul ne pensa à avertir le vieux Seigneur que son fils
courait peut être un danger.
Le jeune Val-Oris vécut ce
jour là une effrayante expérience. Un grand cerf, sortit de
nul part, se plaça sur la route de l'enfant partit en
promenade et l'obligea à le suivre. Ils courent tous deux
jusqu'au cœur de la forêt, prés d'un petit lac et une Sylve
apparut au jeune humain. Assez rapidement, ils perçurent les
sinistres hurlements des loups noirs, lancés à leur poursuite.
Arrivés dans la clairière, la horde encercla Val-Oris, les
loups noirs, retroussaient les babines et la bave leur
dégoulinait de la gueule. La Sylve, dressée au-dessus du lac
les observa attentivement en caressant les épaules de l'enfant
terrorisé. Puis le grand cerf plia le cou et fonça tête
baissée sur le loup le plus proche, lui perforant le flan de
ses bois épais pour l'envoyer rouler au loin dans une gerbe de
sang et de poussière. Aussitôt, plusieurs loups noirs lui
sautèrent dessus pour l'égorger et le déchirer en lambeaux. La
vaillance du cerf ne fût pas suffisante pour tenir la horde en
respect et tandis qu'il agonisait, la carotide enserrée dans
plusieurs pièges cerclés de crocs, d'autre élément du groupe
fonçaient droit sur le jeune Seigneur du Val. Puis, comme
sortis du néant, déchirant un buisson touffu, un trait argenté
cingla l'air. Un gigantesque Loup blanc bondit pour saisir
dans sa gueule l'un des premiers loups noirs qui allait
asséner une morsure à l'enfant. La stupeur figea sur place les
loups noirs et ils regardèrent, étonnés, leur frère se faire
mettre à mort. Le temps pour que d'autres loups blancs
surgissent de la forêt, encore essoufflés de leur effarante
course depuis les montagnes mais parfaitement décidés à
défendre l'enfant. Le combat fit rage. Le sang inondait
l'immaculé pelage des gracieux loups blancs dépassés par le
nombre, mais d'autre continuait d'arriver et fournissait de
leur vie l'effrayant carnage qui se déroulait dans la
clairière au milieu de grognement et de couinement.
Val-Oris restait paralysé, tétanisé par la peur et
l'horreur de voir tant de sang coulé. La bataille dura tout
l'après-midi et le sol de la clairière se trouva submergé de
carcasses éventrées et déchiquetées. Quand les premiers hommes
dont votre serviteur arrivèrent... Seul Trois loups restaient
sur pattes... Un grand loup blanc, couvert de morsure et rosi
par le sang de ses plaies et trois loups noirs, épuisés et eux
même tout poisseux de sang. L'un des loups noirs porta un
regard épuisé sur les hommes et s'effondra... L'autre,
haletant s'en retourna lentement vers les fourrés sous l'œil
vengeur du dernier des loups blancs. L'animal voyant tout
danger écarté s'allongea sur le flan en peinant, puis posa la
tête au sol pour ne plus jamais la relever.
Ce fût en fait
le démarrage d'une perpétuelle invasion. Des Kobolds passèrent
ensuite les cols pour faire des razzias sur les fermes toutes
proches, tuant et brûlant tout sur leur passage. Val-Magus ne
savais plus où donner de la tête et sa seule préoccupation
était la sécurité de son fils. Malgré les interdictions de son
père, le jeune Seigneur n'hésitait pas à s'enfuir dans la
forêt pour rejoindre ses amis des bois et de la nature.
L'enfant ne s'en rendait pas compte mais chaque nouvelle
incartade contribuait à ronger un peu plus son vieux père.
L'arrivée des gobelins dans les années qui suivirent ne furent
pas pour arranger les choses et certain de ces monstres
rodèrent même autour du manoir familial.
Et puis... Le
jeune Val-Oris devait avoir 15 ans, quand un jour, il ne
revint pas d'une de ses excursions. Je sais aujourd'hui ce
qu'il en est, mais à l'époque, l'enfant fût maudit pour avoir
abandonné son père. Val-Oris vit ce jour là, une partie des
Puissances de la Nature réunies. Pour le retenir et l'attacher
loin du manoir car au même instant, une armée d'orques bien
entraînés franchissait le col avec à sa tête, Euclidia.
L'armée ravagea la terre sur son passage. Et devant le
manoir, c'est un vieil homme fatigué revêtu de sa plus belle
armure rouillée qui se présenta devant les innombrables Orques
et la sorcière.
Cette dernière s'esclaffa d'un rire
hystérique en voyant le vieux bonhomme seul et désespéré. Le
vieux Seigneur en revanche, bénissait en son fort intérieur la
Nature d'avoir retenu son fils loin d'ici. Euclidia adressa un
dernier sourire machiavélique au triste vieillard et claqua
des doigts. Un Orque se détacha du groupe, écarta l'épée de
Val-Magus d'un geste simple et le saisi au collet de sa
puissante main verte. Il regarda Euclidia qui esquissa un
dernier sourire, puis brisa la nuque du bon seigneur d'un
mouvement du poignet.
Ce fût une bien triste fin pour un
si bon Seigneur mais un vieux proverbe dit, que la souffrance
des uns sert parfois à façonner la personnalité d'un proche...
Val-Oris resta dans la forêt des années durant et parfois,
quand le vent venait du sud, de la forêt, on pouvait entendre
le pleur déchirant d'un jeune homme fou de douleur.
Euclidia pris naturellement possession du manoir du Val
pour aussitôt ordonner la pendaison de ceux qui l'avait jadis
chassée. Les terres, privés de bons fermiers partirent en
friche et les arbres mourraient sur toutes l'étendu du
territoire. Seul la forêt demeurait impénétrable et tous les
Orques qui s'y aventuraient n'en revenaient jamais.
Le Val
connut sa plus triste période et les habitants qui n'étaient
pas tués prenaient la fuite. Je fus moi-même fait prisonnier
pour réparer les dommages au manoir causés par les Orques. Je
pus ainsi assister à la suite. Cela faisait des années que
Val-Magus n'était plus et son cadavre avait cessé d'empester
l'atmosphère au bout d'un pic planté à l'entrée du col depuis
bien longtemps. Les Orques avaient tué et pillé tout ce qui
pouvait l'être sur l'étendu du val et ces terres autrefois si
fertiles devenaient arides et sèches, se transformaient en
désert, sauf ce petit coin de forêt obscure ou personne ne
pouvait aller avec un espoir de retour.
Puis un beau
jour... un jour ou une nuit, je ne sais plus... Une armée
d'êtres sylvains sortit de la forêt. Une armée faite de Sylve,
d'Ents, de lutins piaillant et de petites gens, de fées et de
dryades étincelantes, Val-Oris devant leurs rangs, équipé
d'armes sommaires mais puissamment enchantées par les esprits
de la Nature. Euclidia rassembla ce qui lui restait
d'Orque pour livrer bataille, fit appel aux Kobolds qui
avaient investit la montagne et invoqua la puissance d'un
démon pour épauler ses troupes.
La lutte fût brève, les
troupes de la nature enfoncèrent les lignes ennemies pour les
battre, pour déverser sur l'ennemi une haine et une vengeance
accumulée pendant toutes ces années. Euclidia prit la
fuite juste à temps et enfin... Val-Oris reprit possession du
manoir et me délivra. Il était devenu un fier jeune homme et
on lisait dans ses yeux, une farouche détermination. Une
froideur et une tiédeur mêlée par la souffrance et l'affection
de ses amis de la Nature. Fils d'un père exceptionnellement
bon et d'une sorcière... Bien sûr... Le Val était mort.
Plus personne pour y vivre... la terre avait cessé de
nourrir qui que ce soit et une vue maintenant désertique
s'étalait depuis des kilomètres autour du manoir. Je quittais
moi aussi le val et perdis le contact avec le nouveau Seigneur
du Val... Pourtant, j'ai entendu parler d'un Seigneur qui
aurait mené de vaste campagne dans les steppes du Nord, qui
aurait conduit des guerres farouches contre toutes les formes
du mal, qui aurait battu des hordes de démons et vaincu avec
ses armées même les plus puissants...
Et plus récemment...
J'ai entendu parlé d'un monde lointain nommé Althéa, d'un
royaume de Goldmoon qui serait arpenté par un Seigneur du Val.
On m'a même dit qu'il serait devenu Grand Maître de la
Nature... Cela ne m'étonne point. Et je sais, de qui il
s'agit...
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